Défaut de déclaration du chantier par l’entreprise : danger pour le maître d’ouvrage

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La possibilité que l’assureur de l’entrepreneur refuse sa garantie au motif d’un défaut de déclaration du chantier n’est pas théorique. Or, ce défaut d’assurance sera particulièrement catastrophique pour le maître d’ouvrage en cas de défaillance de l’entreprise ayant commencé les travaux de construction de sa maison d’habitation, ou de l’immeuble dans lequel il espérait récupérer un appartement dans le cas d’une vente en l’état futur d’achèvement.

Ce risque est imputable à la pratique des polices dites « d’abonnements » ou police d’un type équivalent. Le montant de la prime d’assurance qui est la contrepartie de l’obligation d’assurer la responsabilité de l’entrepreneur dans le cadre de l’exercice de son activité – n’est déterminable ou fixé qu’à l’issue d’une période d’assurance donnée.

C’est ainsi que pour les entreprises de construction, la couverture du risque par l’assureur suppose l’établissement d’une prime dont le taux est d’ores et déjà défini par l’assureur – en fonction de la probabilité de la survenance de sinistre – mais dont l’assiette est déterminée provisoirement en fonction du volume d’activité précédant l’année d’assurance à couvrir, l’assiette définitive n’étant déterminée qu’après la clôture de la période d’activité donnée.

Ainsi, si l’entrepreneur assuré néglige de déclarer certains chantiers, il trompe nécessairement l’assureur sur le montant de la prime que celui-ci aurait eu vocation à percevoir.

Dans cette hypothèse, la jurisprudence a considéré que la compagnie était fondée à refuser de prendre en charge la couverture du risque, sur le fondement de l’article L113-2 du Code des Assurances, et des articles L113-8 et L113-9 du Code des assurances relatives à la fausse déclaration intentionnelle.

A différentes reprises, la Cour de Cassation a admis ce raisonnement : en ce sens, à partir d’un arrêt de la 1ère Chambre civile du 13 mai 1998 (Cass. 1ère civ. 13 mai 1998, n°96-13341), la police d’assurance faisait obligation à l’assureur de déclarer l’ouverture du chantier concernant la construction de la maison individuelle des maîtres d’ouvrage – la Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel de RIOM qui avait retenu qu’en l’absence de déclaration de l’assureur de l’ouverture de chantier concernant la construction commandée par les consorts Z et X, il n’y avait pas d’assurance, conformément à la police.

Cette solution sera également validée par un arrêt de la 1ère chambre civile du 29 février 2000 (Cass. 1ère civ. 29 février 2000, n°97-19068) et, également première chambre civile 5 décembre 2000 (Cass. 1ère civ. 5 décembre 2000, n°98-14102).

Dans d’autres décisions, la Cour de Cassation a considéré que l’indemnité d’assurance devait seulement être réduite en proportion du taux des primes réclamées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement déclarés.

Le 27 juin 2019, donc assez récemment, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (Cass. 3ème civ. 29 juin 2019, n°17-28872), a admis que la réduction proportionnelle équivalait à une absence de garantie conformément à l’article L 113-9 du Code des Assurances, ce qui ne constituait ni une exclusion, ni une déchéance de garantie.

La Cour de Cassation distingue différentes situations.

  • Soit les dispositions des conditions générales d’assurance font de l’obligation déclarative de chaque chantier une condition de la garantie, et la sanction est alors le défaut d’assurance.
  • Soit la police sanctionne le non-respect de l’obligation déclarative de l’assuré par la réduction proportionnelle d’indemnité et il y a alors seulement réduction (tout en sachant que le défaut de déclaration d’un chantier risque d’aboutir à une situation similaire, à savoir une réduction indemnitaire équivalant à 100 %).

Laissant ces subtilités à la Cour de Cassation, il faut retenir l’essentiel : pour les maîtres d’ouvrage, il est impératif de vérifier (voir d’exiger de l’entrepreneur) le justificatif de la déclaration d’ouverture de chantier afin de s’assurer qu’il y aura bien une couverture d’assurance en cas de défaillance de l’entreprise de construction.